La chasse à la chanterelle ou c’est quoi un “fifrelin”?

Chanterelles-Pfifferlinge-1L’automne, c’est la saison de champignons. Quand les premières feuilles colorées brillent dans les derniers rayons de soleil de septembre il est grand temps de chasser les chanterelles. Voici une ode virtuelle au champignon qui vaut plus “qu’un fifrelin”. Bonne lecture et bon app’ ! D’ailleurs, c’est quoi un “fifrelin”? (La version allemande de l’article se trouve ici.)

Qui n’a pas conservé de délicieux souvenirs d’enfance?

Ma grand-mère était une spécialiste des champignons et autres trésors du bois. C’est ce qui lui a sauvé la vie ainsi qu’ à sa famille pendant et après la seconde guerre mondiale, car fuite et expulsion protégeaient contre l’obésité et le diabète type 2, mais pas contre la faim, le froid et la mort. On l’appelait Waldoma ou Oma Walde, que veut dire “mamie-du-bois”. Pendant nos visites rocambolesques depuis l’île allemande artificielle Berlin-Ouest vers la partie est si proche, mais si loin, elle nous a initié à l’art de la cueillette des champignons comestibles. Ainsi, la chasse aux chanterelles réveille des bons souvenirs d’enfance et un héritage que j’aime bien partager.

Chanterelles-Pfifferlinge-3Ramasser des champignons unit la chasse et la cueillette: deux caractères de l’être humain.

Une petite championne parmi les champignons

Se balader dans les sous-bois pour chercher et cueillir ces champignons précieux, puis les faire mijoter est un réel plaisir et un vrai régal pour les papilles. Composés jusqu’à 90% d’eau, les champignons ont une valeur calorique très basse, soit environ 11 kcal (46 kJ) pour 100 g, mais avec une richesse en protéines à faire pâlir la plupart des légumes. Les chanterelles contiennent beaucoup de beta carotène, qui est un précurseur de la vitamine A, laquelle conserve les yeux en bonne santé… pour mieux apercevoir les champignons dans l’obscurité de la forêt. Elles représentent une source majeure d’origine végétale de vitamine D qui est précieuse pour la santé de nos os. Enfin leur richesse en fer et potassium est utile pour lutter contre l’anémie et contribue à la bonne santé cardiovasculaire.

Les dangers des champignons

Malheureusement leur qualité à stocker des éléments est aussi valable pour les produits toxiques et radioactifs que les champignons accumulent à la faveur de leur métabolisme assez lent et de leur longévité. Un mycélium peut stocker pendant plusieurs dizaines des années le césium 137, mais aussi des métaux lourds comme le cadmium, le plomb, le thallium ou le mercure, cancérogènes et tératogènes. Même presque 30 ans après la catastrophe de Tchernobyl, certaines régions d’Europe, l’Allemagne (dans la Forêt de Bavière et les régions au sud du Danube) et les Alpes incluses, restent toujours fortement contaminées par la radioactivité bien que l’activité de césium 137 se divise par deux tous les 30 ans.

Les grands gourmands de champignons tels que les sangliers, les chevreuils et les cerfs ont toujours une forte exposition au rayonnement. Le consommateur moyen de champignons sauvages reçoit probablement une dose de rayonnement par an qui est équivalente à un seul vol aller-retour entre l’Europe et la côte est des Etats-Unis.

Aussi, il est conseillé de ne pas ramasser de champignons ayant poussé le long des routes car ils peuvent contenir de larges quantités de plomb et de mercure.

En Allemagne, les experts recommandent de ne pas consommer plus de 250 grammes de champignons sauvages par semaine à cause de la pollution par les métaux lourds. Les femmes enceintes ou allaitantes et les tout-petits ne devraient eux pas manger du tout de champignons sauvages.

Attention, risque de confusion!

Le cueilleur de champignon inexpérimenté ne devrait pas non plus manger de champignons, mais pour une toute autre raison, sauf si un expert, généralement le pharmacien, lui confirme que les champignons trouvés sont comestibles. Il ne suffit pas de regarder sur Internet ou dans un livre car dans la chasse aux champignons c’est l’expérience pratique qui compte. Il est recommandé de s’entrainer lors d’une promenade guidée avant de se lancer seul dans la chasse.

Chanterelles-Pfifferlinge-2Groupe de chanterelles dans une forêt des sapins rouges

Un peu de botanique : des plis et non des lamelles

Les chanterelles, également appelées girolles, appartiennent au genre Cantharellus (Cantharellus cibarius) qui regroupe plusieurs espèces recherchées par les gourmets. Tous les membres de la famille des chanterelles se reconnaissent par leurs chapeaux convexes en forme d’entonnoir. Comme chez toutes les membres de cette famille, la chanterelle se reconnait également par la présence non pas de lamelles mais de plis sous le chapeau. Ces plis sont dits “décurrents”, c’est-à-dire qu’ils se prolongent le long de la tige. Le pied des chanterelles peut être de 0,5 à 2 cm de haut et conique, et la taille du chapeau mesure entre 3 à 10 cm de diamètre. La chair est épaisse, un peu fibreuse dans le pied. La couleur peut varier du gris cendré à l’orange, en passant par de différentes nuances de jaune. La chair est croquante et ferme et peut sentir l’abricot. La saveur rappelle le poivre ce qui a donné à la chanterelle son nom allemand “Pfifferling”.

Comme ce champignon est de petite taille, il n’est pas si facile à trouver. Les chanterelles aiment pousser en petites troupes au milieu des mousses et fougères des bois, soit un habitat humide avec tout de même un peu de soleil.

Comment les cueillir?

Il est préférable de faire tourner délicatement le champignon sur son pied jusqu’à il s’enlève. Recouvrez ensuite le mycélium d’un peu de terre pour le soigner afin qu’il puisse continuer à pousser. Soyez respectueux de biotopes si fragiles.

N’oublions pas que la chanterelle qui apparaît au-dessus de la terre dans la forêt n’est que la pointe de l’iceberg. Le mycélium, la partie la plus importante, vit caché à nos yeux, dans le sol. C’est seulement en présence de la mycorhize, cette symbiose complexe et fascinante entre les champignons et les racines des plantes, que certains champignons émergent. C’est pourquoi les chanterelles, comme beaucoup d’autres espèces de champignons sauvages, ne se laissent pas domestiquer par l’homme.

En Allemagne et en Suisse, les chanterelles sont une espèce protégée, chaque chasseur ne pouvant ramasser qu’une petite quantité pour un usage personnel. En Allemagne et en France une grande partie des chanterelles offertes sur les marchés ou dans les magazins est importée des pays de l’Est. Ainsi elles ont a fait un long voyage pour entrer dans les paniers des clients.

AiguillesDeChamonixLes forêts de sapin rouge au pied des Aiguilles de Chamonix: un biotope parfait pour la chanterelle.

Comment conserver les chanterelles?

Les champignons n’aiment généralement pas voyager ni attendre, encore moins au fond d’un sac plastique. Après les avoir nettoyé un peu, mais surtout pas sous l’eau, il faut les manger frais!

Ramassées un jour pluvieux il est préférable de les laisser sécher un peu en les étendant sur du papier dans un endroit ni trop chaud ni trop froid. Les chanterelles sont simples à nettoyer, il suffit d’avoir une petite brosse, un couteau, et bien sûr, un peu de patience…

Après le nettoyage, elles peuvent rester quelques jours dans un endroit frais et aéré. Elles peuvent aussi se conserver séchées ou en bocal, dans de l’huile d’olive ou du vinaigre. Légèrement poêlées, elles peuvent rester au congélateur pendant environ six mois.

Recettes

La plus simple est souvent la plus délicieuse: À feu moyen dans un peu de beurre, laissez les rendre leur eau puis ajoutez un peu d’ail (ou d’autres herbes fraîches à votre gout). Attention, la cuisson douce est importante pour éviter d’avoir une chair de caoutchouc. Quelques chanterelles suffisent pour faire une bonne omelette ou une sauce pour accompagner à merveille beaucoup de plats.

Ainsi, ramassée un jour d’automne après la pluie, la chanterelle reste une délice à savourer avec modération pour se remémorer de beaux souvenirs…

ChanterellesDeChamonixChanterelles fraîches, nettoyées et prêtes pour la cuisson

Une chanterelle vaut plus qu’un “fifrelin”

Parfois les gens tombent sur des choses sans valeurs en disant “ça ne vaut pas un fifrelin”. Mais c’est quoi, ce fifrelin? C’est un dérivé de l’allemand “Pfifferling”, rien d’autre que la chanterelle suite à son gout de “Pfeffer” (poivre). Par contre, ce n’est pas le champignon qui ne vaut rien, sinon une petite pièce de 5 centimes de l’époque, appelée “Fünferling” dans le sud d’Allemagne. Et voilà, ici on peut voir le voyage aller-retour de l’expression française “cela ne vaut pas cinq sous” (das ist doch keinen Fünfer wert) : cinq sous – Fünferling – Pfifferling – fifrelin. Aujourd’hui on ne paye plus avec des sous, mais on voit bien sur les marchés que les chanterelles valent plus qu’un “fifrelin” avec des prix plutôt salés ou comme on dit aussi en allemand “gepfeffert” (poivrés).

Références / lecture complémentaire:

Version allemande:

Avatar-Foto

Veröffentlicht von

Dr. Karin Schumacher bloggte zunächst als Trota von Berlin seit 2010 bei den SciLogs. Nach dem Studium der Humanmedizin in Deutschland und Spanien promovierte sie neurowissenschaftlich und forschte immunologisch in einigen bekannten Forschungsinstituten, bevor sie in Europas größter Universitätsfrauenklinik eine Facharztausbildung in Frauenheilkunde und Geburtshilfe abschloss. Hierbei wuchs das Interesse an neuen Wegen in der Medizin zu Prävention und Heilung von Krankheiten durch eine gesunde Lebensweise dank mehr Achtsamkeit für sich und seine Umwelt, Respekt und Selbstverantwortung. Die Kosmopolitin ist leidenschaftliche Bergsportlerin und Violinistin und wenn sie nicht gerade fotografiert, schreibt oder liest, dann lernt sie eine neue Sprache. Auf Twitter ist sie übrigens als @med_and_more unterwegs.

1 Kommentar

  1. Pingback:Die Jagd auf den Pfifferling oder was ist ein “Fifrelin”? › Medicine & More › SciLogs - Wissenschaftsblogs

Schreibe einen Kommentar